Santé mentale : le stress et l’anxiété, deux conséquences majeures de la pandémie Covid-19 sur la population haïtienne
Par Marlyne Jean
P-au-P., 19 avril 2020 [M9H] — Un mois après l’annonce du président de la République, Jovenel Moïse de décréter l’Etat d’urgence sanitaire sur tout le territoire national, le 19 mars dernier, occasionnant la fermeture de plusieurs institutions, certains membres de la population haïtienne font face, depuis à de sérieuses crises d’angoisses et d’anxiétés, ce qui pourrait provoquer des conséquences néfastes sur leur santé mentale, préviennent plusieurs psychologues en Haïti.
La propagation rapide de la pandémie Covid-19 dans le pays, en moins d’un mois, pour un total de 44 personnes contaminées, 3 morts et zéro guéri, cette situation suscite un degré considérable de crainte, d’inquiétude et de préoccupation dans la population en général et chez certains groupes en particulier, comme les personnes âgées, les prestataires de soins et les personnes souffrant d’affections préexistantes.
« En termes de santé mentale publique, le principal impact psychologique à ce jour est un taux élevé de stress ou d’anxiété. Mais avec la prise de nouvelles mesures et l’émergence de nouveaux impacts – en particulier la quarantaine et ses effets sur les activités normales, les habitudes ou les moyens de subsistance de nombreuses personnes – les niveaux de solitude devraient également augmenter » d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
La menace de la pandémie de Covid-19 est pour tout le monde, le fait qu’il tue beaucoup de personnes à travers le monde, cela a des incidences sur la population haïtienne, a laissé entendre le professeur et psychologue de carrière Ronald Jean Jacques. Pour lui, il y a un niveau de stress, avant et pendant toute cette période du Covid-19, ce qui met toute la population haïtienne sur le qui-vive.
Cette pandémie a bouleversé le quotidien de tout un chacun, alors que la vie sociale, le besoin de l’autre est primordial dans la vie humaine. Cependant, le geste pour éviter la contamination c’est la distance physique avec la personne la plus proche, ce qui pourrait créer beaucoup de problèmes dans la vie des gens.
A côté du traitement médical, physiologique sur l’organisme que l’Etat Haïtien peut mettre en place pour les personnes ayant des troubles, cela mérite également que l’Etat ou la société haïtienne mettre en place une assistance psychologique pour écouter les gens, non seulement sur leurs détresses psychologiques, mais aussi les effets des agressions des criminels, et même l’insécurité, précise le professeur Ronald Jean Jacques, ancien candidat malheureux au vice-recteur de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH).
Les conséquences de la pandémie du Covid-19 sur la santé mentale
Selon le psychologue Bradeley Vinson Noël, membre de l’Association haïtienne de psychologique (Ahpsy) et membre de la Cellule d’intervention psychothérapeutique (Cipuh), certaines personnes peuvent développer l’anxiété par rapport à la peur d’attraper la pandémie du Covid-19. Cela provoque également chez eux l’insomnie. Il aura des impacts aussi sur leurs humeurs. Certaines personnes peuvent devenir plus colériques, ou du moins irritables. D’autres par contre, peuvent être pensifs ou évasifs.
Le psychologue Noël soutient que cette situation pourrait engendrer également la peur chez beaucoup de gens, et même la panique. Sur ce, il a mis en exergue le discours du chef de l’Etat dans la soirée du 19 mars 2020 qui avait provoqué une panique totale le lendemain. Cette situation ne va pas sans conséquences sur les personnes âgés et les enfants.
Les personnes du troisième âge et les enfants, deux catégories les plus stigmatisées
La propagation de la pandémie du Covid-19 à travers le monde a provoqué la stigmatisation de plusieurs catégories sociales, notamment celle des personnes du troisième âge, une catégorie sociale à risque. Cette catégorie a été ciblée à cause de leur système immunitaire très faible, pour attraper la maladie, en conséquence, les personnes du troisième âge sont très stigmatisées par rapport à la maladie.
D’après le psychologue Bradeley Vinson Noël, cette situation peut avoir des impacts sur les enfants également, qui peuvent devenir très agressifs, et très agités. Il renchérit pour dire que l’un des plus grands problèmes de cette maladie, c’est qu’elle est très attrapant, c’est une pandémie, et il y a une forme d’impuissance puisque jusqu’à maintenant les grands scientifiques à travers le monde peinent à trouver un remède.
Ce qui peut provoquer le trouble de l’humeur, rendre la personne dépressive, déprimée. La personne peut avoir une altération du jugement. Il peut même développer la tendance à l’hypocondriaque, lorsque la personne développe les symptômes de la maladie sans pourtant avoir cette maladie. Il peut provoquer également un sentiment de rejet, voire même la tendance à la surconsommation soit à la drogue, et à l’alcool, analyse le psychologue Bradeley Vinson Noël.
À l’instar du traitement médical, l’État et la société civile devraient mettre en place des cellules pour pouvoir répondre à la détresse psychologique de la population. Des organisations et regroupement de psychologues dont l’Ahpsy, l’Association haïtienne psychologie, Initiative santé mentale, entre autres, ont déjà emboité le pas dans cette démarche.
Une ligne téléphonique gratuite est mise à la disposition de la population pour trouver de l’aide auprès d’une trentaine de psychologues. Cette initiative a été prise bien avant la crise due au coronavirus et ne concerne pas uniquement les aides face à la pandémie, ont-ils précisé.
Rappelons qu’en Haïti, le domaine de la santé mentale est encore très peu développé. De maintes initiatives dans les années 40 et 60 ont été entreprises par des Dr Louis Price Mars, Dr Philippe Michel et Dr Legrand Bijoux pour la mise sur pied d’un service de santé mentale au sein du Ministère de la santé publique et de la population. Le pays s’est finalement doté d’un politique nationale en la matière et dispose d’un système de surveillance et de recherche épidémiologique dans le domaine de la santé mentale, quoique inefficace.