COVID-19: Fake News and Real News
Par Sindy Jean Baptiste
P-au-P, 16 avril 2020 [M9H] — Il n’est pas nécessaire de débuter cet article avec un rappel du COVID-19. Au stade de pandémie, cette maladie est connue de tout un chacun. C’est une des « Real News » du jour ! Et des « Fake News » à ce sujet, il y en a à la pelle !
Depuis plus d’un mois que le nouveau coronavirus a été détecté en Haïti, les nouvelles se propagent rapidement sur les réseaux sociaux. Les haïtiens, résilients de force, n’attendent aucun secours de leur gouvernement. Toutes et tous ont déjà compris la situation ! L’haïtien attend une aide qui, cette fois-ci, ne viendra peut-être pas, car les habituels « aideurs » ont déjà fort à faire chez eux ! Il s’agit ainsi, comme d’habitude, de prendre les choses en main et de résister. Et de ce fait, la solidarité s’instaure déjà à travers la propagation des nouvelles au sujet du Corona, comme nous l’appelons ici-bas. Sauvons des vies en informant le maximum de gens, tel est le mot d’ordre. Mais info ou intox, il n’y a presque plus de différences !
De « fake news » aux nouvelles non confirmées !
Pour beaucoup d’haïtiens, le nouveau coronavirus se retrouve parmi la liste des 101 maladies que guérit le remède miracle qu’est le traditionnel thé. Thé au gingembre, à la cannelle, au citron, à l’ail, aux girofles, la liste est longue, tous sont bons à prendre de manière préventive. La peur au ventre et friands des nouvelles qui rassurent, beaucoup croient en des mesures qui ne sont confirmées nulle part. Ainsi, avant l’apparition du virus en Haïti, il était de notoriété publique que les noirs ne l’attrapaient pas et que le soleil d’Haïti (variant entre 26° et 30° en mars 2020) pouvait tuer le virus. Ainsi, tout ce qui « réchauffait le sang » pouvait contribuer à éliminer le nouveau coronavirus : notre précieux rhum Barbancourt, l’exposition au soleil, le sport et le sexe !
Et viennent les prophètes qui fournissent des prières pour ne pas attraper le Corona. C’est ainsi que circule une vidéo où l’on voit un pasteur passer le même mouchoir sur le visage de ses fidèles pour les prémunir du virus. Et au lendemain de l’annonce des mesures gouvernementales prises contre la propagation du virus, dont l’interdiction de réunions de plus de 10 personnes et la fermeture des différents temples de prières, 500 personnes se sont réunies pour prier pour Haïti, forçant ainsi le gouvernement à procéder à l’arrestation d’au moins 3 pasteurs.
L’humour légendaire des haïtiens se mettant de la partie, beaucoup de blagues circulent que, heureusement, personne ne prend pour argent comptant : le grain de maïs dans l’anus qui se transforme en popcorn quand la température du corps augmente ; le virus qui meurt parce que la faim qui sévit en Haïti l’a tué ; les haïtiens sont des pionniers, ils ont inventé la liberté des noirs et le confinement (en référence au dernier lock qui a duré près de 2 mois) ; attraper le virus en premier pour bénéficier de l’un de 200 lits que l’état haïtien réserve aux 12 millions d’habitants. Parce qu’il faut sourire même au plus fort de la souffrance et résister, dans leur détresse les haïtiens rient du virus pour ne pas pleurer.
La nécessité de contrer l’intoxication
A l’ère du numérique, il y a quantité incroyable d’informations qui se déversent dans le monde. Puisque tout le monde peut produire, poster et/ou transférer des nouvelles (du journaliste le plus émérite jusqu’au vénérable grand-mère haïtienne incapable de prononcer correctement le mot WhatsApp), il devient difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. L’on ne nous a pas appris à réfléchir sur les informations qui arrivent jusqu’à nous, les gens n’ont pas souvent le réflexe de vérifier les sources des informations ou même sa plausibilité. Et lors des grandes tensions, l’affolement aidant, les nouvelles circulent plus vite et le réflexe est de s’accrocher à n’importe quoi qui rassure.
Durant les crises, il est crucial d’offrir une information rigoureuse qui doit être accessible à toutes et tous. Au temps du COVID-19, l’incertitude plane et la terreur se répand. Les gens attendent un vaccin ou un médicament comme une goutte d’eau dans le Sahara. En Haïti, la tendance est de partager des remèdes parce-que les gens ont conscience qu’ils ne peuvent pas adopter la démarche officielle qui, parait-il, peut contribuer à sauver : le confinement. Leur subsistance dépendant de leur sortie journalière, être confiné revient à mourir de faim. Le marteau et l’enclume… C’est donc de bonne foi que les gens relaient les informations qui sauvent, mais aussi celles qui tuent. Il est nécessaire d’éduquer la population à une meilleure prise en charge de l’information et que les autorités puissent porter un meilleur contrôle aux informations qui circulent. Au temps du nouveau coronavirus, chacun doit se responsabiliser face aux nouvelles qu’il transfère.
Pour le moment, le Corona est la 102ème maladie que ne guérit aucun thé haïtien. Et ça, c’est un Real News !
Solidarité Laïque
A propos de Solidarité Laïque Haïti :
Solidarité Laïque intervient en Haïti depuis 25 ans avec le soutien de l’Agence Française de Développement pour favoriser l’accès à l’éducation. L’institution œuvre en Haïti à travers des projets d’urgence et de développement et son action s’étend principalement sur les départements de la Grand’Anse, de l’Ouest et de l’Artibonite. Visitez le site de Solidarité Laïque sur www.solidarite-laique.org
