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Haïti – Sécurité : Une mission sous perfusion, un pays à l’agonie

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Un an après le déploiement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMS), le constat est glaçant : les gangs gagnent du terrain, l’État recule, et la population désespère.

Port-au-Prince, 27 juin 2025 (M9H) — Dans les rues de Carrefour-Feuilles, l’air est lourd. Pas seulement à cause de la chaleur ou de la poussière, mais surtout en raison de cette peur sourde qui ne quitte plus les habitants. Un an après l’arrivée des premiers contingents de la mission internationale censée stabiliser le pays, le désenchantement est total. « Un an après, rien n’a changé, sauf le nombre de tentes et de tombes », lâche, amer, un résident joint par téléphone.

La MMS, pourtant annoncée comme la bouée de sauvetage d’un pays en naufrage, semble s’être échouée elle-même. L’objectif affiché — restaurer la sécurité et permettre le retour de l’ordre républicain — paraît aujourd’hui bien loin. Des commissariats désertés, des hôpitaux inaccessibles, des mairies sous le joug des groupes armés : plusieurs zones de la capitale et de grandes villes de province sont aujourd’hui hors de portée des autorités.

Un silence coupable et une mission désarticulée

Alors que les promesses pleuvaient lors des conférences internationales, les résultats, eux, se font toujours attendre. La mission n’a jamais atteint son effectif cible, faute d’engagement réel des États contributeurs. Et si certains bailleurs de fonds ont signé des engagements sur papier, dans les faits, ils se sont désistés ou tardent à débloquer les fonds. Les policiers étrangers présents sur le terrain continuent pourtant de percevoir leurs indemnités, pour des actions dont la portée reste quasi invisible.

Dans l’Artibonite, des familles entières fuient chaque jour la fureur des gangs « Kokorat san ras ». Malgré la présence d’agents de la MMS dans la région, aucune opération d’envergure n’a été menée, laissant la population livrée à elle-même. De Delmas à Martissant, de Cité Soleil à Pétion-Ville, en passant par Liancourt et Petite-Rivière, les témoignages affluent et racontent tous la même réalité : l’inaction, le silence, l’abandon.

La coordination avec la Police nationale d’Haïti (PNH) est quasi inexistante. Aucune feuille de route claire, pas de stratégie offensive articulée. Chaque jour qui passe creuse un peu plus le fossé entre les attentes d’une population exsangue et l’inaction d’une mission internationale qui semble ne pas savoir par où commencer.

 

Une transition politique qui piétine

La situation est d’autant plus inquiétante que l’objectif politique de la mission — créer un climat propice à des élections démocratiques — est lui aussi au point mort. Aucune élection n’a été tenue en un an. Le vide institutionnel reste béant, amplifié par une transition floue dirigée par un Conseil présidentiel sans mandat populaire ni autorité effective.

Pendant ce temps, les gangs s’arment, se réorganisent, et s’implantent durablement. Les violences s’intensifient : assassinats ciblés, enlèvements, viols, rackets. Le climat d’impunité s’aggrave, alimenté par une gouvernance en déroute et l’absence d’une réponse militaire ou policière adéquate.

Une présence inutile ou une stratégie de containment ?

De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer ce qui est perçu comme une manœuvre de containment, une opération destinée non pas à sauver Haïti, mais à éviter que sa crise ne déborde hors de ses frontières. Une mission de façade, plus soucieuse de calmer les inquiétudes géopolitiques internationales que de répondre aux besoins réels de la population haïtienne.

« Cette mission ressemble à un observateur passif d’un drame en continu », déclare un analyste haïtien sous couvert d’anonymat. « Elle n’est ni une force de rétablissement, ni un partenaire stratégique de la PNH. Elle est là, mais sans être vraiment présente. »

Conclusion : la solitude d’un peuple oublié

Un an après le lancement de la MMS, Haïti demeure livrée à elle-même. Les Haïtiens, pris entre la peur quotidienne et la désillusion politique, attendent des actes concrets. Mais chaque jour sans réponse affaiblit un peu plus la confiance, non seulement envers la mission, mais envers la possibilité même d’un redressement.

La question ne se pose même plus : cette mission n’a jamais eu pour but de sauver Haïti. Elle donne plutôt l’impression d’avoir été déployée pour contenir le chaos, non pas pour protéger les Haïtiens, mais pour empêcher que leur souffrance déborde au-delà des frontières.

En réalité, loin d’atténuer la crise, cette opération internationale l’aggrave. Elle légitime l’inaction, entretient l’illusion d’un soutien, tout en laissant le pays sombrer davantage dans la misère, le sang et le silence. C’est moins une force de secours qu’un alibi diplomatique, un rideau de fumée derrière lequel s’enfonce un peuple abandonné.

 

 

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