Frankétienne : Hommage à une Légende de l’Art Haïtien
Par Steve BAZELAIS
Port-au-Prince, 20 février 2025 (M9H) — Le monde culturel haïtien et international est en deuil : Frankétienne, immense figure de la littérature, de la peinture et du théâtre, s’est éteint à l’âge de 88 ans. Son héritage artistique incommensurable et son influence transcenderont les générations.
Un Géant de la Littérature Haïtienne
Jean-Pierre Basilic Dantor Frank Étienne d’Argent, plus connu sous le nom de Frankétienne, était un intellectuel hors pair. Auteur prolifique, il a marqué la littérature haïtienne avec des œuvres majeures telles que Dezafi (1975), premier roman écrit en créole haïtien, qui dépeint avec force et poésie la réalité sociale du pays. Son style unique et inimitable, caractérisé par une langue foisonnante et une imagination débridée, a donné naissance au mouvement spiralisme, une esthétique qui célèbre le mouvement perpétuel et le chaos organisé de la vie. Son art l’a hissé au rang de candidat pour le prix Nobel de littérature en 2009. Il a été nommé Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres et Artiste de la Paix de l’UNESCO en 2010.
Peintre et Dramaturge Visionnaire
Frankétienne ne s’est pas limité aux mots. Son art pictural, tout aussi riche, explore des formes et des couleurs vibrantes, souvent en écho à ses thèmes littéraires. Ses toiles, emplies de figures enchevêtrées, résonnent avec le tumulte de l’histoire haïtienne et l’imaginaire débordant de leur créateur.
Au théâtre, ses pièces comme Pèlin-Tèt (1978) ont bouleversé les codes traditionnels, faisant de la scène un espace d’expérimentation et de revendication. Son engagement pour Haïti était profond, exprimé tant par ses prises de parole que par ses créations.
Un Engagement Inaltérable pour Haïti
Frankétienne était bien plus qu’un artiste ; il était une voix forte et indépendante, témoin et acteur des soubresauts politiques et sociaux de son pays. Il a traversé les dictatures, les crises, les espoirs et les désillusions, toujours armé de sa plume et de sa créativité.
Son départ laisse un vide immense, mais son œuvre continue de vivre et d’inspirer. Pour les Haïtiens et tous ceux qui ont été touchés par son génie, Frankétienne demeure une étoile éternelle, un phare qui guide les esprits en quête de beauté et de vérité.
Oh Dezafi, cette société, ce pays
Mûr à crever.
Cette terre qui s’érige en
Affres d’un défi,
d’où résonnent les
Échos de l’abîme, qui pour
La méduse orpheline est douce
fiel comme un Rapjazz-journal d’un paria.
Yon lavi Pèlin-Tèt nan yon peyi Troufobon,
Bobomasouri, ki chak jou ap fèn
Kaselezo pou Totolomannwèl.
Ah, totolo, tololo, yon Melovivi,
ki tout Minywi mwen senk ap fèn pase
Kalibofobo. Se yon peyi Foukifoura.
Ainsi, nous listons tes pièces de théâtre et tes romans. La langue créole que tu as tant nourrie a depuis grandi. Certains mots et lettres ont changé, mais ton art, ton message, ta vie nous guident dans cette spirale qui n’en finit pas.
Bonne traversée, Frankétienne.
Repose en paix, maître de la spirale, poète de l’infini.
Crédit photo: Page Facebook de Frankétienne