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Haïti-Santé : Par crainte d’un essai de vaccin contre la Covid-19, l’injection trimestrielle Depo-Provera ‘’Piki 3 mwa’’ connait une baisse en Haïti

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P-au-P., 29 août 2020 [M9H] — La pandémie coronavirus a mis à mal les systèmes de santé les mieux équipés à travers le monde et a dévoilé le risque élevé auquel sont confrontés les pays moins préparés, dont Haïti, où la population n’a pas accès aux services sociaux de base.

Pour faire face à ce virus qui a paralysé l’économie mondiale, des grandes puissances se sont lancées dans une course acharnée pour trouver un vaccin capable de contrôler ou éradiquer le nouveau coronavirus. Cependant, les essais cliniques continuent de soulever des préoccupations.

Le jeudi 2 avril dernier, dans une séquence diffusée à la télévision française sur LCI, deux chercheurs se sont prononcés sur l’opportunité de tester un vaccin en Afrique, dans le cadre du coronavirus. Leurs déclarations ont suscité la colère de nombreux internautes, notamment des internautes haïtiens et haïtiennes.

En Haïti, pendant cette période de Covid-19, une rumeur concernant la disponibilité et la circulation d’une injection dans le cadre de la Covid-19 a provoqué une panique chez des patients, qui ont dû arrêter leur consommation de l’injection trimestrielle, Depo-Provera, couramment appelé « Piki 3 mwa ».

« Cette rumeur a impacté négativement l’utilisation de la Depo-Provera dans nos cliniques. Alors que c’est l’une des méthodes les plus populaires en Haïti », a fait remarquer le Dr Gianni Descastro, Directeur général de l’Association pour la promotion de la famille haïtienne (Profamil). Comme alternative, les gens se sont retournés vers d’autres méthodes, précise-t-il.

Bien que le virus n’a pas causé autant de dégâts comme l’avaient prévus des modèles présentés, particulièrement ceux du gouvernement qui craignaient plus de 1000 morts par jour. Cependant, les cliniques ont connu également une baisse de 25% des activités liés au planning familial pendant cette période, jusqu’au mois de mai.

« C’est jusqu’à partir du mois de mai, qu’il y a eu un retour de ces 25% et une augmentation de fréquentation des cliniques et de consommation des méthodes de planning familial », indique Dr Gianni Descastro. Cependant, le scénario n’a pas été le même partout à travers le pays. Plusieurs autres structures privés ou étatiques ont été obligés de fermer leurs portes, par rapport à la Covid-19.

Une situation qui amène à confirmer la théorie découverte dans d’autres pays, où il y ait une réduction des consommations des méthodes. Dr Descastro a souligné que la période de la Covid-19 a provoqué une réduction de consommation de service en santé sexuelle et reproduction et une forte augmentation des violences basées sur le genre, parce que l’offre de service n’a pas été disponible et l’énergie a été concentrée sur l’urgence de la pandémie.

Toutefois, le Directeur général de la Profamil se réserve de décrire l’impact général qu’aurait eu la Covid-19 sur la santé sexuelle et reproductive. « On ne peut se prononcer actuellement sur le bilan de l’impact de la covid-19, il ne reste qu’à attendre. Nous allons ressentir l’impact dans un moment qui n’est pas aussi proche ».

Selon le Dr Descastro, cet impact pourrait être évalué dans les 9 prochains mois. « À réserve de parler d’une explosion de bébé, il va y avoir une appréciation  du taux  de natalité pour cette année, dans les neuf prochains mois » prévient-il.

Et ce, malgré les démarches menées à travers les médias pour sensibiliser la population sur l’utilisation des méthodes de planning familial, même temporaire, pendant la période du confinement. Il affirme que le travail a été fait, mais estime que l’intensité souhaité n’a pas été atteint. Puisque des cas de grossesses non désirés ont été recensés et conduisent fort souvent à des cas de mortalité maternelle.

Grossesse non désirée et mortalité maternelle

Plusieurs facteurs peuvent déterminer les causes d’un cas de grossesse non désirée, soit le viol ou le rapport avec un partenaire non protégé. Dans ces conditions, certaines femmes ont recours à l’avortement, et dans la plupart des cas dans des milieux non sécurisés.

Des médicaments pharmaceutiques tels que le misoprostol ou cytotec, médicament utilisé dans le traitement des ulcères d’estomac qui a été détourné de son usage pour provoquer l’avortement, particulièrement les jeunes qui ne veulent pas avoir un enfant.

Ces avortements en milieu non sécurisés qui n’ont pas été réalisés par des professionnels avérés et certifiés provoquent des perforations utérines, de la septicémie, de l’hémorragie interne, entre autres qui représentent un grand danger pour la vie des femmes et abouti souvent à des cas de mortalité maternelle. Dans la région caribéenne, Haïti accuse le plus fort taux de mortalité maternelle, soit de 33%, rappelle le Dr Descastro.

Le taux de mortalité maternelle en Haïti est de 359 décès pour 100,000 naissances vivantes, dont environ 15% des suites de complications liées à l’accouchement, selon les dernières données officielles de l’Enquête mortalité, morbidité et utilisation des services (Emmus). Parallèlement, quoique demeurant relativement élevée, une certaine amélioration est constatée au niveau de la grossesse chez les adolescentes. Le pourcentage d’adolescentes ayant déjà commencé leur vie procréative a en effet diminué, passant de 14%  en 2012 (EMMUS-V) à 10% en 2016-2017 (EMMUS-VI). S´agissant du taux d´accouchement dans un établissement de santé, il est passé de 36% en 2012 à 39% en 2016-2017. Quant au taux de mortalité infantile, il a connu une légère diminution, passant de 59 décès pour 1,000 naissances vivantes en 2012 (EMMUS-V) contre 58 pour 1,000 naissances vivantes (EMMUS-VI).

Dr Descastro explique que l’une des raisons de ces pertes en vies humaines, c’est que jusqu’ici l’avortement reste illégal sous peine de réclusion dans le pays, selon l’ancien code pénal, toujours en vigueur. Le nouveau code pénal permet l’avortement, mais dans des conditions bien spécifiques, et sera applicable dans deux ans, poursuit-il.

«Tout ceci pourrait être évité si les femmes avaient au départ plusieurs options pour éviter de tomber enceinte, dont l’accès aux méthodes de planning familial, une sensibilisation sur l’importance de la planification familiale, l’éducation sexuelle pour les jeunes au niveau des écoles pour qu’ils aient un comportement responsable », soutient le Dr Gianni Descastro.

Il a souligné également la nécessité d’avoir une politique de planification familiale en votant des lois qui protège les femmes et leur donnent accès à des services quel que soit leur niveau social.

Par Marlyne Jean

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